La Révolution néolithique
Il y a un an tout juste, je faisais le choix de devenir maraîcher bio. Bien que n’étant pas issu d’une famille de paysans, j’ai passé mon enfance dans un environnement champêtre, mes parents ayant choisi de réhabiliter une ancienne ferme en Bretagne. Jusqu’à mes 15 ans, j’ai vécu au milieu des champs, des vergers de pommiers, à jouer dans les arbres, fabriquer des barrages dans les ruisseaux ou à patiner sur des mares gelées. Pourtant, devenir maraicher, au regard de ma formation initiale et de mon parcours professionnel, était loin d’être une évidence. C’est un véritable pivot, avec son lot de contraintes, de sacrifices, de risques et d’incertitudes. Mais c’est surtout une aventure incroyable, une reconnexion à la nature et à la terre nourricière. C’est enfin un engagement militant. Par ce choix assumé, et à tous les renoncements que cela implique, je m’efforce d’oeuvrer, à mon échelle, à la protection d’un petit bout de terre, d’y produire des aliments sains, d’y créer une petite oasis de vie, de biodiversité, et de transmettre des valeurs écologiques et humanistes à mes enfants.
Lorsque j’ai décidé de m’y consacrer pleinement, j’ai rapidement ressenti l’envie, en parallèle de formations techniques, de mieux cerner l’histoire qui relie la terre (au sens “terre nourricière”) et les hommes. Comment s’engager dans une voie si radicale sans dénouer les fils de l’histoire qui ont conduit l’agriculture moderne dans une situation dont on voudrait nous faire croire qu’elle est inextricable. Plus j’avançais dans mes recherches et mes lectures, mieux je comprenais l’origine et les limites du modèle agricole contemporain occidental. Car ce modèle intensif, aussi productif et productiviste soit-il, n’en est pas moins un colosse au pieds d’argile. D’apparence fort et inébranlable, il est en réalité fragile et extrêmement vulnérable. J’y reviendrais.
Par quelle logique historique, politique, économique, l’évolution de notre modèle agricole a-t-il conduit à la dégradation chimique et biologique des sols, à la pollution des nappes phréatiques, à un effondrement généralisé de la biodiversité de nos campagnes, à la ruine puis à la disparition la petite paysannerie, à un exode rural massif et généralisé à travers le monde de centaines de millions de “petits paysans”, condamnés à se terrer au fond des mines, à s’aliéner dans les usines, ou à s’entasser dans des bidonvilles insalubres des grandes mégalopoles? Par ce récit historique, je tenterai également d’y apporter quelques éléments de réponse.
Cette petite série d’articles que j’ai prévu d’écrire, qui partira de la Révolution néolithique pour nous mener jusqu’à la crise agricole contemporaine, est donc une petite synthèse de ce que j’ai appris, au travers de mes lectures et de mes recherches documentaires. Elle permettra, je l’espère, à un néophyte intéressé par le sujet d’y voir plus clair.
Introduction
L’agriculture est le maillon central de l’histoire des civilisations humaines. Sans agriculture, pas d’état, de sociétés organisées ou de civilisations. L’espèce humaine (au sens “homo-sapiens sapiens”) a bien vécu près de 300 000 ans sans pratiquer d’agriculture, mais les communautés de chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire ne dépassaient guère quelques dizaines d’individus (parfois un peu plus lorsque les communautés étaient sédentaires). Elles étaient totalement capables de subvenir à leurs besoins, y compris dans des conditions climatiques extrêmes (notamment durant le dernier “maximum glaciaire” d’ il y a 20 000), en pratiquant la pêche, la chasse et la cueillette. Selon certains auteurs d’ailleurs, les chasseurs-cueilleurs menaient une vie bien plus confortable que celle de leurs congénères cultivateurs (M. Sahlins, Age de Pierre, âge d’abondance.Economie des sociétés primitives). Le temps quotidien passé pour subvenir aux besoins alimentaires du clan n’était en moyenne que de 3 à 4 heures par jour, bien loin du labeur quotidien des cultivateurs.
En revanche, il était inconcevable que ces petites communautés puissent évoluer vers des sociétés organisées de plusieurs milliers voir plusieurs millions de sujets sans le développement de systèmes sociaux et fiscaux structurés autour d’une agriculture céréalière performante. Pourquoi céréalière? Parce que les céréales présentent des caractéristiques uniques (date de récolte fixe, denrée non périssable, collecte et stockage aisé…) qui en ont fait presque partout dans le monde, la principale ressource fiscale indispensable à l’émergence d’un état.
Le livre de JC Scott (Homo Domesticus: Une histoire profonde des premiers États, James C. Scott) nous rappelle à juste titre que dans la culture occidentale, la bible impose le labeur du cultivateur dans le livre de la génèse par le pêché originel d’Adam et Eve qui croquent le fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. En les arrachant à une vie agréable et oisive, dieu justifie ainsi l’agriculture aux hommes comme seul moyen de subsistance
“parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger, maudit soit le sol à cause de toi! C’est dans la peine que tu en tireras ta nourriture, tous les jours de ta vie. De lui même, il te donnera épines et chardons, mais tu auras ta nourriture en cultivant les champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu vvvv dans la terre, d’ou tu as été pris.”
La généralisation de la culture des céréales permirent également aux premières civilisations humaines de créer la toute première “monnaie d’échange”, le sila d’orge (environ 1L), développé par les Sumériens en 3000 av JC (Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, Yuval Noah Harari). Il faudra attendre encore quelques siècles pour que le sila d’orge soit remplacé par le sicle d’argent (8g).
Si aujourd’hui une grande partie des citoyens Français, urbains en majorité, sont si éloignés de la compréhension des enjeux agricoles contemporains, et des difficultés des agriculteurs dans leur ensemble, c’est probablement lié à la distance qui les sépare désormais (géographique, sociale et structurelle). Même si de nombreuses initiatives se développent partout en France depuis quelques années pour retrouver ce lien, le citoyen moyen (urbain ou péri-urbain en grande partie) vit globalement bien loin du paysan producteur.
Pourtant jusqu’au milieu du 19ème siècle, les choses étaient bien différentes. Prenons l’exemple de la capitale. La petite couronne Parisienne comptait 1 378 hectares de terres maraichères et employait 9 000 personnes, concentrés autour des marais (Canal Saint Martin notamment). Ceux qui “cultivaient les marais” furent donc assez naturellement appelés « maraîchers ». D’une incroyable technicité, totalement autonomes et sans recours à aucun artifice chimique, capable de produire des melons au gout unique en Avril grâce à des procédés naturels ingénieux (les châssis sur couches chaudes), leur production suffisait à assurer plus de 95% de l’approvisionnement en légumes de la capitale (qui comptait à l’époque environ un million d’habitants). Pour entretenir la fertilité de leur terre, ils amendaient leurs jardins au moyen de fumier de cheval, dont la capitale regorgeait (forcément, les voitures de l’époque étaient encore tirées par des chevaux). Finalement, les déchets de la ville, disponibles en abondance, constituaient la ressource de ceux qui la nourrissaient. Plutôt vertueux comme principe (et très au goût de ce que l’on appel aujourd’hui l’économie circulaire). Aujourd’hui, ces maraîchers ont disparus et leur savoir faire avec, même s’il est aujourd’hui ressuscité en partie grâce à l’engouement suscité par la permaculture et un livre incroyable rédigé en 1845 par 2 maraichers Parisiens (“Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris, J.-G. Moreau et J.-J. Daverne”). Les terres qu’ils louaient pour la plupart ont fait les frais de la spéculation immobilière parisienne, et les étals de marché de la capitale sont désormais remplis de produit originaires de Rungis dont la quête de traçabilité nous ferait voyager à travers le monde entier (Endives de Hollande, Tomates d’Espagne ou du Maroc,…). Sur les 1400 exploitations maraichères qui cerclaient la capitale au 19ème siècle, moins d’une dizaine subsistent encore actuellement. La ceinture maraîchère de Paris se trouve aujourd’hui à plus de 100 km de Paris, en Picardie, Normandie ou encore dans le Val-de-Loire.
Mais cette distance n’est pas que géographique, elle est également symptomatique de l’évolution structurelle de nos modes de vie et de consommation. Producteurs et consommateurs finaux sont désormais interfacés par d’innombrables intermédiaires. Malgré le sursaut de volonté d’une partie de la paysannerie et des citoyens de se reconnecter via le développement de circuits courts et de la vente directe, le modèle capitalo-productiviste reste aujourd’hui encore majoritaire et largement téléguidé par l’agro-industrie et les grandes enseignes de la distribution.
Comptant désormais 400 000 personnes, soit moins de 1,5% de la population active, la population agricole Française poursuit son déclin ininterrompu depuis la Révolution industrielle du 19ème siècle. A titre de comparaison, la paysannerie Française lors de la Révolution de 1789 comptait 18 millions de personnes sur un total de 29 millions (soit 67% de la population totale).
Mais reprenons tout depuis les origines, en commençant par la grande Révolution du néolithique.
Les grands foyers d’origine de l’agriculture
Les archéologues nous ont appris qu’il n’existe pas “une” histoire de l’agriculture mais bien “des” histoires de l’agriculture. Ils ont identifié aujourd’hui au moins 5 grands foyers dit “rayonnants” d’agriculture, qui se sont développés indépendamment les uns des autres au 5 coins du globe. Le foyer moyen-oriental, le foyer Chinois, le foyer d’Amérique centrale (et du sud), le foyer Nord-Américain et le foyer Néo-Guinéèn.
Par souci de clarté et de simplification de cette complexité, je n’approfondirai ici que l’histoire de l’agriculture proche-orientale dont nos sociétés agraires européennes sont les descendantes.
Je ne saurais que vous conseiller pour ceux qui souhaiteraient approfondir le sujet à l’issue de cet article, la lecture passionnante de l’ouvrage de Marcel Mazoyer et Laurence Roudart (“Histoire des agricultures du monde : Du néolithique à la crise contemporaine”) dont cet article est largement inspiré.
Naissance de l’agriculture: La Révolution néolithique
Des traces de notre espèce (Homo Sapiens-Sapiens) sont attestées depuis au moins 300 000 ans en Afrique. Des millénaires durant, notre espèce va, pour subvenir à ses besoins alimentaires, pratiquer la chasse et la cueillette. Mais il y a environ 12 000 ans, un évènement majeur va se produire et va changer la donne. La terre entre dans une nouvelle ère géologique, l’holocène. Les zones méridionales, dont le climat s’est déjà bien réchauffé depuis le pic de la dernière glaciation (le “maximum glaciaire” d’il y a 20 000 ans), vont accueillir de nouvelles formes de végétation spontanée. Au proche orient, la toundra va progressivement laisser place à une savane riche et abondante en céréales sauvages. Troupeaux de Rennes et autres gibiers accoutumés à un climat froid ont émigrés vers le nord, privant les autochtones d’une manne alimentaire abondante. C’est dans ce contexte de réchauffement climatique et de bouleversement des écosystèmes nourriciers que des chasseurs-cueilleurs vont commencer à intégrer dans leur régime alimentaire la consommation de céréales sauvages, devenues particulièrement abondantes au Proche-Orient.
Un peu plus deux millénaires plus tard, il y a environ 9500 ans, ces mêmes chasseurs-cueilleurs, dont la population se fait croissante, vont progressivement quitter leurs grottes pour s’établir dans les plaines, ou ils fondent les premiers villages (dont la surface excède rarement 3000 m2) et ou ils commencent à cultiver les céréales sauvages (sans toutefois abandonner la chasse et la cueillette). Notons au passage que, contrairement à ce qui fut longtemps admis, la sédentarisation des communautés de chasseurs-cueilleurs n’est pas une conséquence du développement de l’agriculture, de nombreuses populations de chasseurs cueilleurs étant déjà attachées à la vie fixée avant que ne soient développée les premières techniques agricoles. En revanche, nous y reviendrons, c’est bien la vie fixée, les progrès de l’agriculture, et l’asservissement de populations entières qui seront à l’origine du développement des premières civilisations antiques du croissant fertile (Egyptiennes et Sumériennes).
Dans ces premiers villages donc, des lieux d’égrenage du blé sauvage sont très probablement à l’origine de la domestication des céréales. Au début, les zones déjà défrichées à proximité des habitations et dans les plaines alluviales des fleuves constituent les parcelles les plus simples à ensemencer mais rapidement, avec l’accroissement des populations, la surface vient à manquer. Pour y faire face, des communautés de néo-cultivateurs vont émigrer vers des zones périphériques plus lointaines, ou ils vont défricher les zones boisées les plus fertiles et les moins denses pour y ensemencer leurs graines.
En parallèle (il y a 9000 à 9500 ans avant notre ère), les premiers animaux sauvages vont être domestiqués: la chèvre, le mouton et le cochon. C’est ainsi que sur les terres les moins fertiles, les savanes du Sahara ou les steppes d’Asie par exemple, des communautés pastorales vont développer l’élevage. On assiste donc dès la Révolution néolithique à une première dissociation géographique entre les sociétés d’éleveurs et les sociétés de cultivateurs.
Propagation de l’agriculture
Par vagues de migrations successives, à partir de ce foyer moyen oriental (le plus ancien à ce jour de tous les foyers de communautés agraires identifiés), l’agriculture va se propager dans à peu près toutes les directions, en Afrique, en Europe occidentale et en Asie (ou elle finira par rencontrer le foyer Chinois) à raison de 1 km par an en moyenne, par colonisation successives de nouveaux territoires ou par transmission des connaissances techniques auprès de populations voisines. Les résultats de recherches archéologiques semblent cependant pencher davantage vers des phénomènes de colonisation plus que de transmission (rien de surprenant quand on connait un peu l’histoire de l’Homme).
La pratique la plus couramment utilisée pour mettre en culture de nouvelle terres consistait à pratiquer la technique dite par “abattis-brûlis”. Cette méthode, toujours pratiquée aujourd’hui dans certaines régions du monde (par exemple à Madagascar, en Indonésie ou en Amérique du sud), consiste, au moyen d’outils rudimentaires (n’oublions pas que l’époque correspond à l’âge de la pierre polie, leur outillage se limite donc à une petite hache et une faucille assez rudimentaire) à défricher une parcelle forestière, laisser sécher le bois ainsi coupé, puis y mettre le feu avant que n’advienne la saison des pluies. En pratiquant de la sorte, les cultivateurs obtenaient une terre riche en minéraux, fertilisée par la cendre, sur laquelle ils pouvaient envisager 1 à 2 cultures successives de céréales. Seulement les rendements chutaient ensuite drastiquement, incitant ainsi les cultivateurs à laisser la parcelle retourner à la friche et à pratiquer de même sur la parcelle avoisinante (et ainsi de suite).
A cette époque, les terres boisées disponibles ne manquent pas (on estime qu’entre -10 000 et -5000 ans, la population mondiale de sapiens n’excédait pas 5 millions d’âmes, soit moins de la moitié de la population actuelle de l’île-de-France). En procédant ainsi, des rotations de plusieurs dizaines d’années vont se mettre en place, de sorte que lorsque les cultivateurs ne reviennent sur la première parcelle que lorsque celle-ci soit redevenue une forêt.
Pour illustrer notre propos, si nous prenons l’exemple d’une rotation annuelle sur 50 ans, temps optimal pour qu’une forêt détruite se reconstitue naturellement. Pour cultiver annuellement 1 ha de céréales, il fallait pouvoir disposer de 50 ha de forêt. Chaque année, on défriche la parcelle voisine et au bout de 50 ans, le cycle était bouclé et on revenait à la première parcelle cultivée (qui était redevenue une forêt). Côté rendement, on estime qu’à l’époque une culture d’1 ha de blé génère un rendement moyen de 10 quintaux (soit 1 tonne par hectare, c’est 7 à 8 fois moins que les rendements actuels en agriculture conventionnelle, 3 à 4 fois moins qu’en agriculture biologique). Comme on considère que les besoins caloriques de l’époque sont de 2 quintaux de blé/personne/an, une zone de 50ha de foret pouvait faire vivre une famille de 5 personnes.
Autrement dit, ce système de culture pratiqué sur 100 ha de forêt (soit 1 km2) autorisait une densité de population de 10 personnes/km2 (soit 2 familles de 5 personnes/km2).
Les archéologues estiment que les densités de population des cultivateurs au début du néolithique étaient de l’ordre de 30 personnes au km2, ce qui laisse à penser par un petit calcul rapide que les rotations se déroulaient en moyenne tous les 15 à 20 ans.
Durant des millénaires, la pratique et la généralisation de ces systèmes a servi de support à une incroyable expansion géographique et une explosion démographique sans précédent de l’espèce humaine. Entre 10 000 ans et 1000 ans avant présent, la population mondiale a été multipliée par 10, passant de 5 millions à 50 millions d’individus. Tant que les espaces de forêt disponibles furent importants, ces systèmes ont pu se développer et perdurer sans que l’impact sur l’écosystème forestier ne devienne irréversible (chaque parcelle cultivée revenant à la forêt une fois la récolte effectuée). Nous verrons que cette situation presque idéale sera rapidement contrariée.
La déforestation du néolithique
Pour faire face à l’augmentation contante de leur population et à la raréfaction des parcelles boisées disponibles, les cultivateurs durent se résoudre progressivement à réduire les durées de rotations. Seulement en raccourcissant les durées de régénération des parcelles cultivées, la pression mise sur les friches en cours de reconstitution finirent par devenir insoutenable pour rétablir les écosystèmes. La forêt ne disposant plus du temps nécessaire pour se reconstituer, une déforestation massive avec toutes ses conséquences catastrophiques sur la fertilité des terres et sur la stabilité du climat frappa de nombreuses régions. En détruisant à l’échelle de continents des mégatonnes de biomasses, d’eau et d’humus, le déboisement a crée des drames écologiques inédits qui ont ouvert la voie à de nouvelles pratiques agricoles dans différentes régions du monde.
Naissance des premières civilisations du croissant fertile
Il est difficile de se le représenter aujourd’hui, mais entre 11 000 et 5000 ans avant présent, le Sahara, qui couvre près de 9 000 000 de km2 (soit presque l’équivalent de la surface la Chine !) était vert et luxuriant. De gigantesques forêts tropicales, de la savane et des prairies, particulièrement riches en biodiversité, constituaient son écosystème. La présence de mégalacs (dont le plus grand situé à l’endroit du Tchad actuel faisait la taille de l’Allemagne) et de fleuves géants dans la région est également attestée. Même si les scientifiques restent encore aujourd’hui divisés sur le sujet, une des hypothèses développée pour expliquer sa désertification brutale (en moins de 200 ans selon certains auteurs) serait lié à la déforestation engendrée par l’Homme pour y développer l’élevage et les cultures. Il est en effet bien connu que la déforestation conduit à un assèchement du climat. Les végétaux, les arbres notamment, stockent beaucoup d’eau et peuvent en restituer des quantités énormes par évapo-transpiration dans l’atmosphère, permettant ainsi à la recomposition des nuages atmosphériques qui a leur tour redonneront des pluies. En l’absence d’arbres, l’eau ruisselle, retourne à la mer et le cycle de reconstitution des nuages s’interrompt, conduisant à une aridification du climat.
C’est ainsi que, il y a environ 5000 ans, poussés à l’exil par la désertification, des milliers de réfugiés climatiques venus du Sahara, d’Arabie et de Perse ont reflué soit vers des régions périphériques restées humides, soit vers des oasis ou l’eau, abondante, permis de conserver des paysages verdoyants par la pratique de cultures de décrue et du développement de l’irrigation.
Les vallées alluviales de l’Euphrate, de l’Indus, du Tigre et du Nil devinrent ainsi les foyers des premières grandes civilisations hydro-agricoles de l’antiquité (Egypte, Mésopotamie et plaine de l’Indus).
Pour résumer cette première partie, il y a 10 à 12 000 ans, les hommes développent l’agriculture. Le premier foyer identifié est le foyer proche oriental, situé dans la région de ce que l’on appel aujourd’hui Syrie-Palestine. A partir de ce foyer, sa dispersion de va être réalisée, de proche en proche, dans toutes les directions (vers l’Asie, l’Europe, L’Afrique). La culture sur Abbatis-brûlis y est prédominante, en concomitance avec l’élevage, conduisant à des déforestations rapides et généralisées dès lors que la densité de population devient trop importante. Autour de 5000 ans avant présent, elle atteint les extrêmes limites ouest des terres émergée de la côté Atlantique et de la mer du Nord, de la Baltique et de la Sibérie, ou, en fonction des conditions pédo-climatiques que rencontreront les cultivateur-éleveur, elles prendront différentes forme (type de culture, présence prédominante d’élevage ou de céréale…) L’assèchement du « Sahara vert », dont les causes exactes sont encore débattues aujourd’hui par les scientifiques, condamnent à l’exil de très nombreuses populations qui refluent vers les zones alluviales, en particulier les grandes plaines du croissant fertile . Les premiers grands berceaux de la civilisation y prennent naissance (Egypte, Mésopotamie et plaine de l’indus), grâce à l’organisation de structures sociales complexes permettant l’organisation du travail à grande échelle et le développement d’une agriculture productive.
J’espère que ce premier article sur l’histoire de l’agriculture vous aura plu, n’hésitez pas à me laisser quelques claps d’encouragement si c’est le cas et à me faire part de vos commentaires ou à me contacter sur mon linkedIn ou à suivre les étapes de mon nouveau départ sur Facebook! Le prochain article portera sur la seconde Révolution agricole Européenne, avec la généralisation de la culture attelée légère et le développement des jachères.