L’été sans fin
Le monde sans fin (cf la BD de jean-marc Jancovici et Christophe Blain) nous mènera t-il vers un été sans fin. C’est un des sentiments qui m’animait cette semaine. Evidemment, ce jeu de mot est un peu douteux. Mais cet été, qui joue encore les prolongations aujourd’hui, fut long et difficile. Je sais bien que celui de 2003 était pas mal non plus. Mais pour moi, le contexte était totalement différent. Je travaillais dans un labo climatisé et je prenais des vacances en bord de mer.
Les choses sont désormais bien différentes. Je réalise ce que c’est que de travailler tout l’été sous des températures qui fleurtent quotidiennement avec les 40°C. L’organisme est mis à rude épreuve. Le mien, en tout cas, n’était pas préparé, et ma saison estivale fut entachée de déshydratations répétées, malgré les précautions prises pour les prévenir (jusqu’à 5L d’eau ingurgités quotidiennement). Même si je tentais, dans la mesure du possible, d’adapter mes horaires de journée, l’épuisement et le découragement m’ont guetté plus d’une fois.
J’ai aussi vu à quel point les écosystèmes sont sensibles à de tels vagues de chaleur, la faune comme la flore. Les abeilles passent plus de temps à s’hydrater dans ma réserve d’eau qu’a butiner (je ne les voyais d’ailleurs plus butiner du tout). Les plantes, pour limiter une transpiration excessive qui les ferait sécher sur place, ferment leurs stomates, limitant par la même la photosynthèse (puisque le CO2 pénètre habituellement grâce à l’ouverture de ces même stomates). Leurs feuilles s’affaissent, signe que l’activité est en sommeil et qu’un stress hydrique les gagne. Certaines sont littéralement grillées sur place par le vent brulant et sec, car contrairement à nous, une plante ne peut aller se réfugier dans un endroit frais en cas de danger vital.
Dans le même temps, nombre d’indésirables en profitent pour pulluler et festoyer. Ils trinquent à notre bonne santé les suceurs de sève. Comme si la chaleur qui nous étouffe n’avait aucun impact sur eux. Pire, le chaud et le sec stimule leur libido. Ils se mettent à pondre sans relâche et, d’une semaine à l’autre, des cultures entières sont infestées. Je ne citerais pas les noms latins des innombrables bestioles que j’ai haï tout l’été, mais mes jardins étaient entre autres, envahis de punaises (nezarra, arlequin, lygus…Etc) et autres acariens.
Comme beaucoup de paysans, tout l’été, j’ai attendu la pluie, les yeux rivés quotidiennement sur le site de la météo agricole. Une pluie qui n’est (presque) jamais venue. Pour mes cultures me direz vous, j’avais la parade, car je dispose d’un accès au réseau d’irrigation agricole (en ce sens, au regard des difficultés d’accès à l’eau de certains collègues, je suis presque un nanti). Mais mes jeunes arbres eux, n’avaient même plus de sève pour pleurer. Près de 500 jeunes arbres, qui faisaient ma fierté cet hiver sur ce même réseau, ont été menacés.
Avec mon seul arrosoir et le peu de temps que je pouvais leur accorder, j’ai tenté tout l’été d’en soutenir certains, avec plus ou moins de succès.
On est vite rattrapé par la réalité, il faut bien remplir le frigo.
Combien des 500 jeunes arbres plantés ont péri de la sécheresse, je ne saurais le dire précisément, mais à vu d’oeil, je dirais au moins 25%. Et dans ceux qui ont survécus, combien conserveront les séquelles de cet été hors norme. “Ce n’était décidément pas la bonne année pour planter des haies”, me disais un voisin paysan. Je ne pu m’empêcher de me demander si les années idéales existeraient encore à l’avenir…